Du fait des efforts et ressources consentis, il s’est aussi avéré nécessaire de préserver et d’entretenir ces infrastructures. Pour le dire simplement, les actifs sont gérés tant que le bénéfice que l’on retire à les maintenir est supérieur aux coûts d’entretien – et cette gestion d’actifs est particulièrement importante dans le secteur des services de l’alimentation en eau et de l’assainissement.
De Babylone à Rome
La construction et l’exploitation des infrastructures hydrauliques comptent parmi les plus anciennes activités des sciences de l’ingénieur. Ces infrastructures sont certainement l’un de nos patrimoines les plus précieux. Elles servaient à l’origine simplement à transporter l’eau d’un endroit à un autre. La construction d’aqueducs a commencé il y a plus de 3 000 ans, les premières civilisations, comme celles de l’Assyrie, de Babylone et de l’Égypte, ayant compris que le développement des sociétés était tributaire d’un approvisionnement sûr en eau salubre.
Les premiers aqueducs n’étaient que de simples canaux à ciel ouvert creusés entre une rivière, une communauté et ses terres agricoles environnantes. Les plus célèbres constructeurs d’aqueducs ont été les Romains. Sur une période d’environ 500 ans, 11 aqueducs furent construits pour alimenter Rome avec de l’eau captée à 90 kilomètres de la ville. Une grande partie de ce réseau était un système de tunnels souterrains, mais une autre partie était constituée d’arches en pierre portant des canaux découverts à travers les vallées. Les aqueducs de cette période existent dans tout l’espace de l’ancien Empire romain et certains sont restés en service pendant plus de 1 200 ans.
L’Inde, le Pérou et la Turquie nous offrent des exemples plus récents d’aqueducs. Le transport de l’eau reste une des principales raisons pour construire, entretenir et exploiter des infrastructures hydrauliques partout dans le monde – non seulement pour l’approvisionnement urbain, mais aussi pour l’agriculture, l’industrie et le transport à travers un réseau de canaux et d’écluses.
Dès les premiers temps, les civilisations anciennes ont également construit des infrastructures pour évacuer les eaux usées (en particulier des milieux urbains) et, bien entendu, les eaux de crue.
Les infrastructures hydrauliques sont aujourd’hui le plus souvent comprises dans un contexte municipal : transport, traitement, stockage et distribution de l’eau aux résidents à des fins de consommation, et collecte des eaux usées, puis traitement et évacuation ou réutilisation après traitement.
Une ville de 100 000 à 500 000 habitants compte 5 000 à 10 000 kilomètres de canalisations d’eau souterraines.
Le déficit d’infrastructure
Selon l’Organisation mondiale de la santé, pour la première fois dans l’histoire, la majorité de la population mondiale vit aujourd’hui dans les villes, et cette proportion ne cesse de croître. Il y a cent ans, deux habitants sur 10 vivaient en zone urbaine. En 1990, c’était le cas pour moins de 40 % de la population mondiale, mais depuis 2010, plus de la moitié vit en zone urbaine. En 2030, cette proportion passera à six habitants sur 10 et, en 2050, à sept habitants sur 10.
Au sein de ces collectivités, l’infrastructure de l’alimentation en eau et de l’assainissement – canalisations de distribution et de collecte, installations de traitement, réservoirs de stockage et bassins – représente un énorme investissement dans des actifs physiques. Une ville de 100 000 à 500 000 habitants peut s’appuyer sur un réseau de 5 000 à 10 000 kilomètres de canalisations souterraines pour son approvisionnement en eau, et sur un réseau d’une taille comparable pour la collecte des eaux usées. Certaines de ces installations datent de plusieurs siècles, mais compte tenu de l’immense mouvement migratoire de ces dernières décennies vers les villes, une grande partie de l’infrastructure peut avoir moins de 40 ans.
La valeur de remplacement de ces actifs s’élève à plusieurs millions de dollars pour chaque ville. Or, une grande partie des fonds disponibles a souvent déjà été investie dans l’expansion de l’infrastructure nécessaire pour répondre à la croissance. Il s’ensuit que presque toutes les villes ont des infrastructures vieillissantes, qui doivent être réparées, restaurées ou, plus probablement, en grande partie remplacées.
Ce problème fait ressortir ce que l’on désigne parfois comme le déficit d’infrastructure – la différence entre les ressources financières disponibles et les ressources financières nécessaires pour maintenir et améliorer les infrastructures. On ne dispose pas de données sur le plan mondial, mais les estimations de l’American Water Works Association révèlent que les investissements massifs nécessaires pour les infrastructures souterraines de l’eau potable aux États-Unis s’élèveront à plus de 1 billion de dollars d’ici 2035.
Pour une grande partie du monde en développement, il est nécessaire non seulement d’améliorer l’infrastructure existante, mais de l’étendre pour répondre aux besoins sanitaires de base.
La gestion d’actifs entre en jeu
Le fait même que les anciennes sociétés ont consacré énormément de temps et d’efforts à construire ces merveilles d’infrastructure signifie qu’elles appréciaient ce qu’elles avaient créé pour les avantages qu’elles en retiraient. De grands efforts ont donc été consacrés au fil des siècles à préserver la fonctionnalité des infrastructures, et la sagesse accumulée des premiers ingénieurs qui les avaient conçues et construites a été transmise de générations en générations d’ingénieurs.
Les normes, les codes de pratique et les directives ont évolué au fil du temps et, au cours des dernières décennies, ils se sont développés dans les principes et les politiques de la gestion d’actifs. Cette forme de gestion est de plus en plus liée à d’autres systèmes de gestion portant, par exemple, sur les aspects financiers et les risques des activités de l’organisation.
Meilleures pratiques
L’ISO prépare des lignes directrices sur les bonnes pratiques de gestion des actifs hydrauliques municipaux.
Le comité ISO traitant des activités de service relatives aux systèmes d’alimentation en eau potable et aux systèmes d’assainissement (ISO/TC 224) prépare des lignes directrices sur les bonnes pratiques de gestion des actifs hydrauliques municipaux.
Un autre comité ISO, l’ISO/CP 251, élabore trois normes sur la gestion d’actifs :
- Aperçu général, principes et terminologie (ISO 55000)
- Exigences (ISO 55001)
- Lignes directrices relatives à l’application d’ISO 55001 (ISO 55002)
Leur publication est prévue vers fin 2013.
L’ISO/CP 251 adopte l’approche la plus large possible du sujet. Il considère un « actif » comme quelque chose qui a une valeur réelle ou potentielle pour une organisation, tout en reconnaissant que, pour de nombreuses personnes, un actif est une entité physique, par exemple l’infrastructure utilisée pour transporter, traiter, stocker et distribuer l’eau. C’est cette même approche de l’infrastructure qui a été adoptée par l’ISO/TC 224.
Demandes parallèles
Les représentants de l’ISO/TC 224 au sein de l’ISO/CP 251 ont fait valoir qu’il existait deux demandes parallèles : une demande de normes globales pour le système de gestion, et une demande de conseils techniques sur la gestion d’actifs au sein de différents secteurs tels que l’eau.
Par conséquent, dans la suite des normes ISO 55000 relatives à la gestion d’actifs, il est déclaré que ces normes peuvent être utilisées en combinaison avec des normes et spécifications techniques de gestion d’actifs pour un secteur ou pour des actifs spécifiques. ISO 55001 spécifie les exigences pour un système efficace de gestion des actifs.
D’autres normes précisent les exigences techniques spécifiques à un secteur, à un type d’actif ou à une activité, ou donnent des lignes directrices pour l’interprétation et l’application d’ISO 55001 dans un secteur spécifique ou pour certains actifs.
L’ISO/TC 224 travaille actuellement sur un rapport technique indépendant sur les « Aspects techniques, outils et meilleures pratiques dans la gestion d’actifs de réseaux d’alimentation en eau et d’assainissement ». Sa publication est prévue dans les trois ans à venir.
En attendant, les services de l’eau à travers le monde continueront à gérer leurs actifs physiques de la meilleure manière possible, et chercheront très certainement à obtenir des fonds supplémentaires par leurs recettes, des subventions des niveaux supérieurs des pouvoirs publics ou des investissements du secteur privé, afin de réduire ou éliminer le déficit d’infrastructure.