Acheter pour un monde meilleur

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Imaginez un monde où tous les produits et appareils respecteraient l’environnement, où tous les articles de supermarché viendraient du commerce équitable, où la corruption serait devenue un mythe urbain et la pauvreté un lointain souvenir. Difficile, non ? Pourtant, rien d’impossible en théorie… si chacun se prête au jeu des achats responsables.

Depuis l’énergie que nous consommons pour alimenter nos ordinateurs jusqu’aux conditions de travail des ouvriers qui fabriquent nos vêtements, chacune de nos décisions d’achat a un impact sur l’environnement, l’économie et la société. Ce qu’une organisation achète et à qui elle l’achète peut avoir des répercussions considérables, non seulement sur la chaîne d’approvisionnement et le consommateur final, mais aussi sur la communauté au sens large qui peut être affectée par les différents segments de cette chaîne d’approvisionnement.

Mais qu’adviendrait-il si nous marquions une pause et prenions le temps de réfléchir aux effets de nos décisions d’achat ? Si les organisations des secteurs public et privé prenaient le temps de veiller à ce que leurs achats tiennent compte d’objectifs plus larges liés à l’efficacité des ressources, au changement climatique, à la responsabilité sociétale et à la résilience économique, il ne fait aucun doute que nous pourrions réduire la pauvreté, respecter davantage les droits de l’homme et atténuer nos impacts négatifs sur l’environnement.

En termes choisis, cela s’appelle « l’achat responsable », dont l’objectif est de s’assurer que les produits et les services que nous achetons présentent un bon rapport qualité/prix, ont l’impact le plus minime possible sur l’environnement et les effets sociétaux les plus positifs. Cette démarche consiste à réfléchir aux répercussions environnementales, sociales et économiques de nos décisions d’achat.

Les achats représentent une part importante du budget de toute organisation. Pour le seul secteur public, ils équivalent à environ 12 % du PIB et 29 % des dépenses publiques des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Compte tenu de l’ampleur de ces chiffres, la fonction achats doit être plus exigeante qu’elle ne l’a jamais été – et la nouvelle norme ISO 20400 sur les achats responsables peut parfaitement l’aider à y parvenir.

A banana bunch

Pour le plus grand bien de tous

Inspirés par le concept « Buying for a better world » (Acheter pour un monde meilleur), de nombreux gouvernements et entreprises ont déjà intégré des programmes d’achat responsable dans leurs activités au quotidien. Ceux-ci contribuent directement au Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies, lequel cible notamment la promotion de pratiques durables dans le cadre de la passation de marchés dans les secteurs public et privé.

Avec des dépenses d’approvisionnement supérieures à USD 17 milliards par an, le système des Nations Unies dispose d’importants moyens pour aider à réorienter les marchés locaux afin d’améliorer les résultats en termes de développement durable. Grâce à leur pouvoir d’achat significatif, les organisations onusiennes peuvent atteindre les principaux objectifs des politiques dans tous les domaines du développement durable : environnemental (amélioration de l’efficacité carbone et énergétique et de la gestion de l’eau), social (réduction de la pauvreté et renforcement des capacités) et économique (hausse des revenus et optimisation des coûts).

Dans cette perspective, l’ONU a mis en place le Portail mondial pour les fournisseurs des organismes des Nations Unies (UNGM) comme principal portail d’achat pour les fournisseurs et les responsables de l’approvisionnement des organismes du système des Nations Unies. Facile d’utilisation, cette plateforme peut se prévaloir d’un programme d’achats responsables complet présentant un large éventail de directives couvrant chaque étape du processus d’achat à l’intention du personnel des Nations Unies. L’UNGM permet non seulement de consulter les critères pour l’achat responsable des produits et services que l’organisation achète, des ordinateurs et des produits de nettoyage aux articles de papeterie et aux moyens de transport, mais permet également d’accéder aux règles et règlements auxquels les fabricants ou les fournisseurs doivent se conformer pour pouvoir travailler avec des organisations onusiennes.

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À l’autre extrémité du spectre, les consommateurs deviennent aussi plus exigeants en termes de responsabilité environnementale et de pratiques éthiques, demandant de plus en plus de produits favorisant le développement durable, fabriqués à partir de matériaux d’origine locale. Si une entreprise ignore ces facteurs, elle risque de ternir sa réputation et de voir son activité se réduire.

Pour Antonino Serra Cambaceres, Responsable mobilisation, Justice et Protection des consommateurs, Consumers International, l’achat responsable – l’acte qui consiste à s’assurer que chaque organisation et chaque étape de la chaîne d’approvisionnement répondent à certains objectifs de responsabilité – joue un rôle crucial pour entraîner un changement à grande échelle. « Cela peut aider les consommateurs à mieux comprendre la notion de responsabilité et veiller à ce que le passage à une consommation responsable ne repose pas uniquement sur leurs épaules », explique-t-il.

L’achat responsable contribue aussi à renforcer la confiance du consommateur à l’égard d’une marque et des produits et services qu’elle vend, ajoute M. Serra Cambaceres. Avec le temps, cela peut inciter les consommateurs à exiger d’autres mesures et même les encourager à agir. « En effet, les consommateurs doivent aussi comprendre les conséquences de leurs modes de consommation », souligne-t-il. « Par conséquent, il conviendrait qu’ils soient informés et privilégient les fournisseurs de produits et services qui s’engagent dans une démarche responsable au niveau de leurs chaînes de production et de distribution. Il ne devrait pas y avoir de distinction entre l’effet sur l’environnement des produits et l’effet de leur mode de production. »

Les Principes directeurs des Nations Unies pour la protection du consommateur reconnaissent aux consommateurs un besoin légitime – que l’on promeuve les caractéristiques de la consommation responsable. C’est aussi une composante clé de toute politique de protection des consommateurs. Les pays et les organisations internationales sont ainsi encouragés à intégrer des pratiques responsables dans leurs propres activités, ce qui devrait, selon toute vraisemblance, inciter les consommateurs, partout dans le monde, à utiliser plus largement des produits et services respectueux de l’environnement. De fait, « une entreprise ne peut attendre d’un consommateur qu’il fasse un choix de consommation responsable que lorsqu’elle fait elle-même ce choix » conclut M. Serra Cambaceres.

L’approche de la normalisation

La demande des pouvoirs publics, des entreprises et de la société en matière de responsabilité est telle que celle-ci devient un objectif fondamental pour de nombreuses organisations, partout dans le monde. Alors que la plupart des organisations s’appuient massivement sur leurs chaînes d’approvisionnement pour fournir des produits durables, c’est un vrai défi que de convaincre les fournisseurs et les partenaires de respecter de nouvelles exigences et de faire évoluer leur culture et leurs pratiques. C’est à ce stade qu’intervient ISO 20400, Achats responsables – Lignes directrices, première Norme internationale au monde publiée par l’ISO donnant des recommandations pour atteindre des objectifs de responsabilité sociétale tout le long de la chaîne d’approvisionnement. En décortiquant l’impact de la responsabilité sociétale sur les différents aspects de l’activité d’achats – politique, stratégie, organisation et processus – la norme vise à aider les entreprises à faire de meilleurs choix d’achat grâce à la mise en œuvre de processus d’achats responsables.

Beaucoup pourraient dire – et à juste titre – qu’une bonne stratégie d’achat doit toujours tenir partiellement compte du concept de responsabilité. On peut donc s’interroger sur ce qu’ISO 20400 apporte de plus que nous ne sachions déjà ? En premier lieu, la norme ne prétend pas fournir de solution unique adaptée à tous les cas, mais des cadres et des systèmes de management applicables par toutes les organisations, indépendamment de leur secteur d’activité, de leur dimension et de leur localisation. De fait, la norme est destinée à toute personne qui contribue aux décisions d’achat ou aux opérations avec les fournisseurs. Dans certaines organisations, cela peut inclure un grand nombre de personnes susceptibles de travailler dans des départements et des pays différents, sur différents fuseaux horaires.

En associant les atouts d’une stratégie de responsabilité sociétale, du management du risque et de processus d’achat plus « traditionnels », ISO 20400 met en évidence le rôle central que joue une chaîne d’approvisionnement entre la gestion des risques inhérents à la responsabilité sociétale et l’exploitation des opportunités qu’elle offre. Dans sa section sur les fondamentaux, la norme aborde les principes clés de l’achat responsable, notamment la redevabilité, la transparence, le respect des droits de l’homme et l’adoption d’un comportement éthique, ainsi que leur importance vitale pour le succès des organisations. La norme s’appuie aussi sur les questions centrales de la responsabilité sociétale, empruntées d’ISO 26000, Lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale, pour aider les organisations à intégrer leur stratégie de responsabilité sociétale tout le long de la chaîne d’approvisionnement en appliquant des processus et une expertise en matière d’achats.

Tout comme sa contrepartie sur la responsabilité sociétale, ISO 20400 est une norme d’orientation plutôt qu’une norme de certification. Cela signifie que l’on ne peut certifier la conformité des entreprises vis-à-vis de cette norme. L’objectif est plutôt de fournir un référentiel pour les achats responsables qui corresponde au consensus mondial et soit reconnu dans le monde entier. En outre, bien qu’elle ne se substitue pas à la législation, la norme fournit un point de départ pour intégrer efficacement des considérations relatives à la responsabilité dans l’activité d’achats et les chaînes d’approvisionnement.

Young woman shopping in a traditional Japanese retail store

L’intérêt de la cohérence

Pour un nombre croissant d’entreprises qui ­s’efforcent de fonctionner de façon responsable, la nouvelle norme ISO 20400 permet d’affiner leurs résultats et objectifs de responsabilité sociétale. En utilisant les bonnes techniques d’achat, les organisations peuvent désormais introduire des principes de responsabilité dans leur processus achats, tout en optimisant l’utilisation de leurs ressources. La norme peut également les aider à prendre de l’avance sur les exigences réglementaires actuelles et futures.

Publiée au début de cette année, ISO 20400 suscite déjà un certain intérêt et, quelle que soit leur taille, des entreprises se pressent pour mettre en œuvre ses bonnes pratiques. Par exemple, durant le lancement officiel à Londres de la norme BS ISO 20400:2017, l’adoption nationale de la norme élaborée par la BSI, le membre de l’ISO pour le Royaume-Uni, l’entreprise britannique de construction de premier plan, Balfour Beatty, est annoncée comme une des premières avoir réalisé une évaluation selon la norme ISO 20400.

On sous-estime souvent l’intérêt de cette cohérence, mais en ayant une compréhension commune du concept d’achats responsables, les organisations du monde entier peuvent suivre une même voie vers davantage de responsabilité. Les achats des secteurs public et privé peuvent faire beaucoup pour soulager le monde de ses déboires environnementaux, des pratiques de travail contraires à l’éthique et d’une corruption endémique, reconnaît Staffan Söderberg, Vice-président du groupe de travail qui a élaboré ISO 26000. Même si les lignes directrices d’ISO 20400 ne sont appliquées que par un petit nombre d’organisations, l’effet pourrait être exponentiel tout le long de la chaîne d’approvisionnement et faire une différence pour le monde dans lequel nous vivons.

En encourageant une application plus large des pratiques d’achats responsables, nous progressons d’un pas vers un monde plus responsable. Cela impose toutefois de refuser toute alternative. « Je ne vois pas pourquoi, en tant que consommateur, je devrais avoir à choisir entre un achat moins responsable et un achat plus responsable », explique M. Söderberg. « Je veux seulement des biens et services responsables, et ISO 20400 promet de contribuer à nous conduire vers cet avenir. »

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Elizabeth Gasiorowski-Denis
Rédactrice en chef d'ISOfocus